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25 août 2016 4 25 /08 /août /2016 21:32
Hermine de Musset à Angers
Hermine de Musset à Angers
Hermine de Musset à Angers
Hermine de Musset à Angers

Article paru dans la presse en 1905 

 

Notre confrère L'Eclair publie le joli article que voici sur Mme Lardin de Musset qui fut notre compatriote et dont nous avons annoncé la mort dans notre dernier numéro.

Lorsque Musset revint de Venise, avec au coeur, sa terrible blessure , il s'enferma farouche, dans sa chambre chez sa mère. Rien ne l'en faisait sortir qu'un certain air joué sur le piano, dans la pièce voisine, un concerto de Hummel. Puis, ouvrant doucement sa porte, se glissant le long des meubles, il venait s'asseoir près du piano, y restait la tête plongée dans ses mains et s'en retournait pacifié. Parfois, il rompait le silence pour dire: encore, veux-tu, petite soeur ? ...

Celle à qui s'adressait cette prière et qui avait , tout enfant, le privilège d'endormir la douleur du dolent amoureux, vient de mourir. Elle n'a su que beaucoup plus tard quel rôle avait joué dans la vie de son illustre grand frère, le frôlement de ses doigts ingénus sur son piano ;pourquoi en l'écoutant, il était si mélancolique et pourquoi il pleurait, lui qui avait dit qu'une larme coule et ne se trompe pas. 

 

Nous aussi nous savons les causes de cette épouvantable détresse. Depuis l'an passé, rien n'en demeure secret. Le mystère d'une passion qui fut une double erreur nous a été révélé par les confidences épistolaires des amants de Venise, madame Lardin de Musset n'y fut pour rien. 

 

Dans le décor discret où s'encadrait sa charmante vieillesse, en cet appartement, simple et calme de la rue Tronchet, où seuls quelques tableaux évoquaient à la mode d'autrefois , les ciels d'Italie devant le portrait que Landelle a laissé du poète des Nuits , que de fois Mme Lardin de Musset retrouva- t-elle l'ardeur de ses quinze années pour défendre contre la légende une mémoire qui lui était chère. Son ardeur avait une belle flamme d'injustice. Dans son culte pour celui qui parait son nom d'un si vif rayonnement, elle était sans justice. Elle accusait la grande dame de Nohant d'avoir blessé sans possible remède, le coeur fantasque du poète. Elle criait sur le passage de sa gloire, à la trahison et à l'infidélité. Elle se rappelait toujours le spectre qui venait s'asseoir à ses côtés quand elle jouait le concerto de Hummel, et ni le temps, ni le raisonnement n'avait pu la distraire de cette idée : comme elle l'a fait souffrir ! N'était-il pas de ceux, qui, choisissant leur blessure, sont les propres artisans des maux dont ils ont la volupté de souffrir ! Jusqu'au dernier moment, elle voulait empêcher la publication si nette, si franche et si loyale que les héritiers de Georges Sand ont faite des lettres des deux amoureux, dont le monde parlait et que personne n'avait, dans leur texte authentique sous les yeux. Cette publication authentique n'a été suivie d'aucun scandale. Et si Mme Lardin de Musset jusque-là s'était émue à la pensée du trouble où ce document humain jetterait les admirateurs de son frère, le calme qui accueillit ces pages ardentes, peinture d'exceptionnelles amours, fut pour la surprendre autant que pour la rassurer. Elle comptait vivre une ultime joie que le destin lui refuse. Elle voulait assister à l'apothéose de son frère , à l'inauguration du monument qu'on va lui dresser, et qui a déjà tant fait verser d'encre. Mr Antonin Mercié , l'a achevé sur ses indications. Malgré son grand âge, elle venait volontiers dans l'atelier du sculpteur, le guidant dans les détails de sa ressemblance : "Mais vous avez donné à Alfred les yeux de Paul. Regardez mes yeux, Monsieur Mercié, un peu à fleur de tête : eh bien, c'était les siens". Le sculpteur , d'un coup de pouce, corrigea sa maquette et de retouche en retouche, arriva à quelque chose comme la perfection dans la reconstitution vivante des traits. 

Née en 1819, Mme Herminie de Musset *, qui avait vécu avec ses deux frères et sa mère jusqu'à l'époque de son mariage , épouse en  **1860, Mr Lardin , conseiller à la Cour d'Angers. Elle en eut un fils Mr Anatole Lardin , autorisé à joindre à son nom celui de Musset, qui épousa sa cousine , Mlle Legouas, belle-soeur de Mr Allain Targé. Paul de Musset est mort en 1880 suivi de près dans sa tombe par sa veuve , la fille du général d'Alton. 

La cousine Clélie dont le mariage fut le premier chagrin d'Alfred, alors âgé de 5 ans a laissé 3 enfants : le général d'artillerie en retraite Moulin, dont le fils a été attaché militaire à l'Ambassade de France à Saint Petersbourg et Mlle Marie Moulin, artiste peintre, à qui l'on doit le portrait de Musset, qui orne l'édition que Conquet a fait des oeuvres du poète. Mme Lardin de Musset était l'héritière du poète et la propriétaire de ses droits qui ne tardèrent pas à tomber dans le domaine public. Cela lui valait un joli denier : bon an mal an, les droits du poète rapportaient à Mme de Musset de 20 à 25 000 francs. Ces piles de gros sous sont encore le plus sûr thermomètre de sa popularité. Mme Lardin de Musset avait peu de reliques: trois lettres de son frère seulement, qu'elle disait ne vouloir publier jamais, si tendres qu'elles fussent, un petit carnet sur lequel Musset dessinait joliment les silhouettes de ses relations et un album où Musset, revenu à la santé morale, raillait les entraînements de son fatal amour. 

Voici qu'on reparle de la statue d'Alfred, disait Mme Lardin de Musset a notre confrère Brisson, il y a deux ans, je ne voudrais pas mourir avant que mon beau rêve ne fut réalisé. Mais à mon âge , on n'a plus le temps d'attendre. Elle avait le pressentiment qu'elle ne verrait pas surgir dans la genèse de l'apothéose l'image de l'illustre poète, à qui nous avons la honte de marchander si longtemps l'hommage prodigué à tant de ces médiocres dont le nom n'est plus qu'une énigme indéchiffrable. 

 

 * Dans l'article, la soeur d'Alfred de Musset porte le prénom d'Herminie. Son réel prénom est Charlotte Amélie Hermine. 

 

** La date du mariage est fausse dans l'article puisque son fils Paul Anatole est né en 1848. 

 

En illustration, une vidéo permettant d'écouter un concerto de Hummel et une photo de rue Lardin de Musset à Angers avec un clin d'oeil sur la poésie d'un mini jardin de ville qui a attiré mon regard  quand je marchais dans la rue. 

 

    

 

                     

 

      

         

 

 

 

                           

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